La connaissance du mystère de Dieu selon la Bible

Préliminaire : La notion de sacrement vient du mot grec biblique « musterion », traduit souvent par « mystère » dans le Nouveau Testament, et par « rêve », « songe », « secret » dans l’Ancien Testament. 

Selon la Bible, le musterion de Dieu relève d’une connaissance, d’une gnose qui déborde largement l’intelligence humaine, sans être pour autant une connaissance réservée à une élite : ce musterion est pour tous. Il l’a déborde de deux manières.

Tout d’abord, le musterion de Dieu déborde l’activité consciente et volontaire de l’homme. L’enracinement néotestamentaire sur le songe en Dn 2 le montre bien. Dans l’Ancien Testament, le rêve est le moyen habituel que Dieu prend pour se révéler aux hommes. Cette révélation se fait sur fond de passivité humaine, dans le sommeil, ou dans l’attente. Elle est de l’ordre d’une donation de sens, de vérité sur Dieu lui-même et sa volonté. Cette connaissance est révélée (Mt 13,11 ; Mc 4, 10-13 ; Lc 8, 9-10 ; Eph 3). Elle est un don et non un acquis. Elle n’est pas le fruit de la réflexion humaine. Elle n’est pas une déduction, ni une information.

Ensuite, cette connaissance déborde la compréhension humaine par la capacité de cette dernière à la saisir dans sa globalité et à l’expliciter (1 Co 14,2). Elle n’est donc pas strictement rationnelle, car la raison ne peut en faire le tour. Puisque Dieu est Dieu et que le mystère touche à la nature même de Dieu, la raison ne peut en rendre compte jusqu’au bout. C’est pour cela que Paul dira à plusieurs reprises que c’est seulement dans l’Esprit que nous pouvons annoncer Dieu et pas seulement avec des mots humains (1 Co 2, 1-5 ; 1 Co 4,1 ; 1 Co 14,2)

Elle porte sur des événements présents ou à venir (Dn 2), et sur Dieu lui-même (Rm 16, 25-27 ; Eph 3). Elle relève d’un savoir originel (Eph 1,9 ; Rm 16, 25-27 ; Eph 3), d’une connaissance cachée, mais révélée à tous. Ainsi rien d’autre que Dieu et son projet sont originels. Cette connaissance concerne bien la nature même de Dieu et sa volonté. Cette connaissance s’accomplit avec la révélation de Jésus Christ, plénitude du mystère (Rm 16 ; 1 Co 2 ; Eph 3 ; Col 2, 1-3 ; Col 4, 3-4).

Les Evangiles ne présentent qu’une seule occurrence du musterion dans la parabole du semeur (Mt 13,11 ; Mc 4,11 et Lc 8,10). Nous y lisons que l’accès à cette connaissance ne dépend pas de nos facultés naturelles (« on a beau avoir des oreilles pour entendre et des yeux pour voir… ») mais de notre sens spirituel à recevoir ce que Dieu donne. Voir et entendre dans le Royaume de Dieu (Mt 13,19) est un don lié à l’annonce de la Parole. Lire la Parole dans l’Esprit, l’entendre annoncée dans l’Esprit est un moyen d’accès au musterion de Dieu à condition que notre cœur ne soit pas endurci, insensible à la révélation que Dieu veut donner (Mt 13,15). Le cœur dans la Bible est le siège de toute l’activité consciente de l’homme. Voir et entendre dans le Royaume, i.e. recevoir la semence de la Parole, du mystère de Dieu, c’est rendre sensible son cœur au surnaturel, à la présence de Dieu et ainsi à sa nature même.

En cela, nous retrouvons l’adage de st Jérôme : « Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ ». Ignorer les Ecritures, c’est risquer de passer à côté de la révélation du musterion de Dieu.

Quid de ma paroisse ? Est-ce que ma paroisse est un lieu où la révélation du musterion de Dieu est favorisé ? Dieu lui parle, se révèle en permanence ; mais nous : savons-nous écouter ? Avons-nous un cœur endurci ? La Parole est-elle annoncée dans l’Esprit ? Est-ce que les jeunes apprennent à voir et entendre dans le Royaume, à lire la Bible dans l’Esprit ? Est-ce la pastorale sacramentelle renvoie à cette révélation du mystère de Dieu (Chez Augustin, la notion de signe (sacrement) renvoie au musterion : on ne doit pas se satisfaire du signe, mais sans cesse voir ce qu’il signifie : un mystère inépuisable) ? Est-ce que cette pastorale éteint la soif comme si on avait tout vécu ou la ravive, signe que je ne me suis pas nourri d’une idole mais d’une icône, de Dieu lui-même jamais connu entièrement, et toujours à connaître davantage demain?

Tout un programme pour l’an prochain !

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Publié par ThibautG

Vouloir l'Eglise que Dieu veut

6 commentaires sur « La connaissance du mystère de Dieu selon la Bible »

  1. Bonjour Thibaut,

    Merci pour ce nouveau billet !

    1. Quel lien y a-t-il selon toi entre le mystère de Daniel (connaissance révélée d’un plan établi par Dieu) et la connaissance de Dieu Lui-même ? Qu’est-ce qui dans l’Ecriture te permet de faire ce lien ?

    En effet, il me semble y avoir une distinction entre révélation charismatique (pour l’Eglise) du plan de Dieu et connaissance intime, mystique (qui va au-delà de notre faculté humaine à trouver que ce plan de Dieu est génial et donc dit quelque chose de Dieu) à connaître Dieu Lui-même.

    2. Bien d’accord avec toi que nous ne pouvons connaître Dieu avec nos facultés naturelles (qui incluent même en partie notre sens spirituel, naturel n’étant pas synonyme d’animal). Sur la connaissance de Dieu lui-même, Thomas d’Aquin dit d’ailleurs quelque chose d’intéressant :

    Il indique (cf. Somme Théologique, IIa IIae, Q28 sur la Joie, art.3) que, si l’homme peut vivre de manière plénière la joie de connaître Dieu, c’est parce que le bien divin vient toujours en surabondance par rapport à notre désir ; mais qu’aucun homme ne saurait vivre cette plénitude en ce sens qu’il aurait en lui, être créé, la totalité de la joie divine incréée : «*il faut dire que cette joie divine n’est pas contenue dans l’homme, mais que c’est plutôt lui qui y pénètre, selon cette parole en S. Matthieu « Entre dans la joie de ton maître »*».

    Notre difficulté à accépter de ne pas posséder Dieu en entier mais de simplement recevoir de Lui ce qu’Il veut nous donner, notre persistance à L’aimer en tant que bien pour nous (ce qu’Il est) et non pour lui-même est la racine de ce que Thomas identifie comme le péché d’acédie.

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    1. 1. Je fais le lien simplement par le mot même et en m’appuyant sur l’exégèse canonique. Faire le détour par le grec est capitale pour bien interpréter la Bible (Et cela est vrai pour beaucoup de concept biblique : le péché, la grâce, …). Afin de trouver le sens d’un mot d’une langue morte (ou qui a évolué), il est bon d’en lister les usages et noter les caractéristiques des occurrences. C’est ainsi que les linguistes retrouvent le sens des mots des langues mortes : ils remplissent la forme (concept) par la matière (occurrences)
      En grec, le mot musterion est associé à la passivité, à la pure réceptivité, ce qui n’est pas le cas en français. Il faudrait bien sûr aller plus loin et voir l’étymologie (Muo : fermer, se taire ; Mustès : initié)
      L’exégèse canonique dira que ce n’est pas anodin que les 3 évangélistes et surtout Paul ait repris ce même mot. Paul a voulu nous dire quelque en reprenant ce même mot dont il connaissait l’usage vétérotestamentaire. A minima, il nous dit que la révélation ne s’acquiert pas par notre volonté, notre force, notre intelligence, mais elle se reçoit purement et simplement. Elle se reçoit sur fond de passivité, comme dans le songe en Daniel 2.

      Je ne parle pas ici d’une « connaissance charismatique » (je ne sais pas quel sens tu lui donnes), mais simplement d’une expérience d’une révélation qui ne vient pas de moi, dont la source est extérieure à moi mais qui peut se passer en moi, et qui peut être très silencieuse comme la brise légère d’Eli. L’expérience d’une donation (pour reprendre un concept de la phénoménologie qui me semble très adéquat) qui ne peut s’expliquer par ce que je suis et par mon activité réflexive et cognitive. Un autre que moi est passé en moi. Ca peut être tellement silencieux qu’on ne s’en rend compte que plus tard. J’en ai moi-même fait l’expérience lors d’un sacrement de réconciliation où je n’ai rien senti, rien remarqué mais j’ai constaté 2 semaines après que j’avais changé. C’était une expérience thomiste ( 😊) car j’étais plus joyeux après qu’avant : je ne pouvais pas contenir la joie divine, et je me surprenais moi-même à être si joyeux jour après jour, semaine après semaine, car auparavant j’étais lunatique.

      2. Sur la connaissance de Dieu par les facultés naturelles, le raisonnement par analogie a quand même une toute petite place, à bien définir. Mais cela oblige à un trop long développement.
      Ce sera l’objet d’un autre billet !

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      1. Quand j’emploie «charismatique», je parle, sauf précision contraire, de la définition du terme = Don accordé par Dieu à un individu ou a un groupe de croyants pour l’édification de la communauté et non pour leur propre sanctification.

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