Quand tu annonces ton départ comme prêtre de la paroisse dans un des clochers et que seulement 4 personnes sur 80 viennent te dire au revoir à la fin de la messe, on peut légitimement se dire qu’il y a un problème dans notre Eglise. Non pas que je sois en manque d’affection ! Ce n’est pas ma petite personne ou mon ego qui pose un problème. C’est que le tort de notre pastorale est d’avoir mis l’eucharistie au-dessus de la communauté. Le culte eucharistique est devenu un culte placé au-dessus de tout, y compris de la communauté paroissiale. Et le prêtre qui préside à ce repas pour la communauté, ne compte pas vraiment.
Cette préséance de l’eucharistie sur le sens de l’appartenance à la communauté paroissiale est bien un désordre profond et grave, car il dénature le sens même de l’eucharistie. On a travesti le repas communautaire voulu par Jésus pour sa communauté des Douze en un repas où l’individualisme est de mise. On a travesti ce repas, ce rite de partage en un repas où chacun est atomisé devant l’autel et où la relation humaine de ceux qui sont autour de la table ne compte pas. On a travesti ce repas qui nourrit la communauté en une « Messe-Drive » où chacun peut venir chercher « Jésus » et répartir chez soi ! Je force un peu le trait en parlant ainsi, mais pas tant que cela. En revanche, ce n’est pas le cas partout : bien heureusement pour les prêtres, il y a des lieux où l’on peut toucher du doigt ce que peut être une authentique communauté de disciples-missionnaires !
En mettant l’accent à juste titre sur la présence réelle de Jésus dans l’eucharistie, on a parfois perdu la présence réelle dans chaque frère et sœur de l’Eglise ! Et pourtant, la Bible parle beaucoup plus de cette deuxième présence que de la première. On a perdu un peu la charité. Elle est dénaturée, non conforme à ce que voulait Jésus : « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on vous reconnaîtra comme les disciples » (Jn 13,35). Dans ce clocher, personne ne pourra reconnaître qu’on est disciple de Jésus : sans charité fraternelle, aucun témoignage possible !
Il est désormais vital pour l’Eglise catholique de remettre le sens de la communauté au-dessus de l’eucharistie (cela est à comprendre sur le plan de la théologie pratique et non fondamentale). C’est une question de survie. Et que cette communauté soit pour la gloire de Dieu. Dans le processus de formation des nouveaux disciples, il est donc impératif de d’abord forger chez eux un sens authentique de la communauté paroissiale : une communauté « de chair » et non pas un semblant d’agrégation de catholiques, une communauté où l’on peut rire et pleurer ensemble, une communauté où le soucie de l’autre passe avant le souci de soi (ce qui est le propre de la charité biblique) ! Une communauté où l’on met authentiquement des choses en commun, ce qui en est le sens étymologique.
Sur le plan pastoral, pour « bien communier », il faut donc déjà se sentir membre. Il faut avoir un sens de l’appartenance au groupe, au corps, à une authentique communauté. Pour former des nouveaux disciples, il faut donc en priorité cultiver le sens de l’appartenance avant une démarche sacramentelle. Car communier, c’est fondamentalement communier au même corps que mon voisin pour faire corps avec lui et être ensemble intégrer un peu plus au corps du Christ.
Sur le plan d’une théologie pratique (et non fondamentale), on peut donc aisément comprendre la priorité du « belong » de James Mallon. Repenser l’Eglise comme communauté avec tout ce que cela implique permettra de repenser l’accès à l’eucharistie comme l’accès au repas de la communauté. Cela nous permet de repenser un catéchuménat nouveau où la logique de progression n’est plus seulement sacramentelle (et souvent trop individualiste : « c’est moi et Jésus »), mais une logique d’appartenance, d’intégration, et de fraternité.
Merci Thibaut. C’est une pensée qui me traverse souvent quand je suis à la messe et me demande si c’était ainsi le plan de Dieu.
Je crois vraiment que ce n’est que lorsqu’on vit ensemble en communauté de croyants dans l’amour et le partage,
témoignant de la puissance de Dieu au milieu de nous que d’autres seront attirés au Christ.
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Merci de ton commentaire! Je suis bien d’accord avec toi! C’est bien ce qu’on expérimente dans notre communauté: l’eucharistie a tout son sens car avant tout, il y a une communauté, des frères et soeurs.
Mais les paroisses françaises n’en sont pas là! Ce ne sont pas souvent des communautés au sens concret du terme ! Et c’est bien là le problème qui travestit notre rapport au repas eucharistique! On dit en théologie que c’est une communauté, mais la réalité est souvent bien loin de la théologie.
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